Voyage en triptique

Nous volons, je la porte, elle est si légère.
Le sol s'éloigne, la maison rétrécit, les cris s'affaiblissent.
Nous croisons un oiseau, elle rit de sa joie retrouvée, je suis heureux de l'emmener.
Ses rires sont son adieu à la vie, elle peut rever, je dois l'emmener.
Nous traversons un nuage, elle est toute mouillée, j'aime son air étonné.
Ses cheveux sont de la soie, la robe blanche est son âme, ses blessures se referment.
La Terre n'est plus qu'un ballon, elle salut les étoiles, le ballon n'a pas droit à un regard.
Elle veut voir Pierrot, nous allons sur la lune, c'est un gros gateau.
Elle pose ses pieds sur la pate moelleuse, je la prends par la main, Pierrot n'est pas loin.
Pierrot porte un costume blanc et noir, elle rit, il lui donne du gateau de lune.
Je ne dois pas la lacher, elle est interloquée, je crains qu'elle ne se mette à pleurer.
Elle prends le gateau, Pierrot lui dit de manger, son visage redevient gai à la première bouchée.
Nous devons repartir, elle embrasse Pierrot sur les joues, je la soulève de nouveau.
Pierrot devient petit à nos yeux, il crit «au revoir», elle ne le revera pas.
Nous atteignons la lumière, elle plisse les yeux, nous entrons.
Sa vie passe en un film, je les voit enfin, ce qui l'ont fait s'envoler avec moi.
Son jeune visage est mouillé de larmes, je ne peux les sécher, elles continuent de couler.
Je la serre dans mes bras, mes ailes l'entourent, je n'aime pas quand elle pleure.
Le film se termine, elle ferme les yeux, un sourire se glisse sur son visage.
Elle se balance d'avant en arrière, un rire sort de ses lèvres, le rire devient une cascade de joie.
Elle en prends conscience, elle a quatre ans, elle est morte.